Voici les quelques points essentiels de la problématique du nucléaire. J'ai reçu ce qui suit, dans e-mail,
de la part de l'ingénieur industriel et passeur d'énergie, Christian Steffens.
1. Le nucléaire mondial (env. 450 centrales) ne représente que 3% de toute
l'énergie consommée par l'Homme sur notre planète.
Il est donc tout à fait possible de s'en passer...
En effet, le potentiel d'économie d'énergie (au niveau mondial, et avec des technologies qui existent déjà), est de l'ordre de 40 à 50 % (à même niveau de vie, mêmes PIB's, même production
industrielle). De plus, le potentiel en énergies renouvelables (au niveau mondial, et avec des technologies qui existent déjà) représente 30 à 40 % de la consommation mondiale
actuelle. (Sources : des dizaines d'études scientifiques qui se confirment les unes les autres depuis des années).
Donc, 3% de plus ou de moins...
2. En tenant compte des énergies fossiles consommées lors de l'extraction, raffinage, transport et
enrichissement de l'Uranium, ainsi que lors de la construction des centrales nucléaires, le bilan CO2 de la production d'électricité d'origine nucléaire est de l'ordre de 100 à 200 gr.CO2 / KWh
électrique.
C'est évidemment moins que la production d'électricité d'origine "fossile" (500 à 1200 gr.CO2 / KWh électrique), mais plus que la production d'électricité d'origine "renouvelable" (30 à 90 gr.CO2
/ KWh électrique).
Actuellement, au niveau planétaire, le nucléaire permet de réduire d'environ 2% les émissions de CO2 (p.r. aux "fossiles").
Même en doublant le nombre de centrales nucléaires (ce qui est totalement irréaliste : dans quels pays, avec quels budgets, et quels risques de prolifération ?), on pourrait, au mieux, réduire
les émissions de CO2 de... 2% supplémentaires (p.r. aux "fossiles").
3. Le problème (extrêmement complexe) des déchets nucléaires, radioactifs et dangereux
pour des milliers, voire des millions d'années :
Depuis le début de l'industrialisation du nucléaire (années '50), on nous promet une solution imminente...
Après la "solution" de les jeter au fond des océans, on nous annonce maintenant une "solution définitive et sans danger" : les jeter (de manière contrôlée ;-) au fond de puits de mines...
Autant dire : glisser la poussière sous le coin du tapis ! Les déchets sont toujours là, ils sont toujours dangereux, mais on ne les voit plus...
Aucun géologue ne peut garantir la stabilité géologique et hygrométrique du sous-sol, à l'échelle de milliers ou de millions d'années.
Aucun historien ou ethnologue ne peut garantir la stabilité de nos civilisations, à l'échelle de milliers d'années... Imaginez tout ce qui s'est passé (en Europe, p.ex.) ces 1000 dernières
années...
4. La sécurité et les risques d'accidents :
Il faut reconnaître ce qui est : Des sommes colossales
sont investies dans la sécurité nucléaire, et les ingénieurs qui y travaillent ne sont pas des imbéciles... Même s'ils se trompent parfois (L'erreur est humaine).
La probabilité d'un accident nucléaire grave est très faible, et les professionnels du nucléaire font tout pour la réduire encore et encore.
Malgré cela, il y a, chaque année, dans le monde, des dizaines d'incidents (ou d'accidents... chacun choisira son vocabulaire) dans les centrales nucléaires et autres centres de traitement du
combustible neuf ou usagé. Chacun de ces incidents peut dégénérer, éventuellement se conjuguer à d'autres incidents, et mener ainsi à un accident grave, comme Three Mile Island (USA 1979)
ou Tchernobyl (URSS 1986), pour ne reprendre que ceux qui ont été médiatisés.
Affirmer, comme le font certains, que "tout est sous contrôle" ou que "tel ou tel accident ne peut (plus) se (re-)produire", est tout simplement ridicule... Or, combien de fois ne
trouve-t-on encore ce genre d'affirmation ?
L'industrie du nucléaire est, au sujet du risque et de la sécurité, très comparable à l'aviation civile : On prend toutes les mesures pour garantir une sécurité maximum, mais néanmoins, un
accident arrive de temps en temps... La probabilité "zéro" n'existe pas, du moins dans le monde réel.
Or, si un accident d'avion entraîne la mort de 2 ou 300 personnes, un accident grave dans une centrale nucléaire peut toucher des millions de personnes... Bien sûr, il ne s'agira
pas de décès immédiats, mais bien d'une contamination radioactive qui entraînera une sur-mortalité progressive et diffuse... sur les 20 à 100 ans qui suivent.
P.ex., en tenant compte de la quantité de matières radioactives que l'accident de Tchernobyl a projeté dans l'atmosphère (et qui s'est répandue progressivement sur toute la planète), et en
respectant les chiffres et méthodes de calcul de la CIPR, on arrive à la conclusion que cet accident nucléaire aura provoqué, dans les 50 ans qui le suivent, un accroissement de mortalité
mondiale d'environ... 500.000 personnes ! Mais ces morts supplémentaires seront "noyés" dans les statistiques de mortalité ordinaire.
Pour mémoire : Il ne faut pas confondre Risque et Probabilité :
La Probabilité est la "chance" qu'un événement survienne, dans un certain laps de temps, ou dans un certain
cadre de restrictions.
Le Risque encouru est le produit de la Probabilité par les Conséquences provoquées par cet événement : R = P x C.
P.ex. : Dans le cas de la circulation automobile, la Probabilité d'un accident est relativement élevée, mais les Conséquences sont faibles (quelques morts, tout au plus). Dans le cas du
nucléaire, la Probabilité d'un accident est très faible (du moins dans les pays "développés"), mais les Conséquences peuvent être gigantesques, à court, moyen et long terme, en ce qui
concerne la santé publique, mais aussi l'économie, la politique, l'habitabilité de régions entières, etc.
Finalement, pourquoi imposer tant de risques à la population (cf. points 3 et 4), alors que les avantages sont si ténus (cf. points 1 et 2) ?
De plus, il ne faut pas oublier que, au rythme actuel de consommation (filière PWR ou EPR, fission - neutrons lents),
les réserves mondiales d'Uranium (235) sont estimées à 40-50 ans... Passé ce délai, il n'y aura quasiment plus de combustible pour nos centrales nucléaires... Et nous
resterons avec les déchets radioactifs.
Si l'on devait utiliser une filière de surgénérateurs dits "4ème génération" (fission -
neutrons rapides), les réserves mondiales d'Uranium (et Plutonium de retraitement) sont estimées à 200-250 ans, au rythme actuel de consommation. Mais, jusqu'à présent, aucun
surgénérateur au monde n'a fonctionné de manière industriellement correcte, ni économiquement rentable. De plus, aucun surgénérateur n'a réellement produit plus de Plutonium qu'il n'en a
consommé. Ils ont tous été "sous-générateurs". Actuellement, tous les programmes de surgénérateurs industriels ont été abandonnés.
Quant au projet de réacteur de fusion nucléaire (ITER), même les plus ardents défenseurs de ce projet disent qu'il ne faut pas attendre une réalisation industrielle et
commerciale fonctionnelle avant 70 à 100 ans... Soit bien trop tard par rapport aux échéances énergétiques planétaires. Et en attendant, ce projet ITER engloutit des milliards
d'Euros qui seraient bien plus utiles et fructueux s'ils étaient investis dans les énergies renouvelables et surtout dans les économies d'énergie !
On pourrait aussi brièvement parler de la médiocre rentabilité économique du nucléaire :
Depuis une trentaine d'années, l'industrie nucléaire ne s'est développée que dans les pays où des aides et subsides importants lui ont été octroyés par les gouvernements. Par ex., l'Etat
Français (donc le contribuable) verse, chaque année, plus de deux milliards d'Euros de subsides au Commissariat à l'Energie Atomique. En plus de cela, EDF, AREVA et autres sont
également soutenus financièrement par les Autorités. En Belgique, ces aides financières étatiques sont de l'ordre de 150 millions d'Euros par an (tous secteurs nucléaires
confondus).
N.B. : Ces aides et subsides sont largement plus importants (plus de 10 fois) pour le nucléaire que pour les énergies renouvelables, et ce, depuis des dizaines d'années... Il serait p-ê
temps de ré-équilibrer tout cela !
Dans les pays où l'industrie nucléaire n'est pas portée à bout de bras par les finances publiques, elle ne s'est pas développée, tout simplement par manque de rentabilité. Par ex., aux
USA, plus aucune centrale nucléaire n'a été construite depuis 1980 ! Et si l'on y parle d'un "redémarrage" du nucléaire, c'est parce que l'Administration Obama vient de confirmer la
décision de son prédécesseur d'accorder une avance de 8 milliards de dollars, pour la construction de... deux nouvelles centrales nucléaires... Alors que des dizaines de
centrales y arrivent progressivement en fin de vie.
Va-t-on, comme chez nous, essayer de prolonger arbitrairement leur durée de fonctionnement, au delà des limites prévues lors de leur conception (env. 30 ans) ?
Bien sûr, la rentabilité économique d'une centrale s'améliore lorsqu'elle est complètement amortie...
J'espère que ces quelques informations permettront d'alimenter vos réflexions, ainsi qu'un débat constructif,
sur le "chaud" sujet du nucléaire. ;-)
Meilleures salutations,
Christian Steffens
Ingénieur Industriel
Consultant en Énergétique